Demain, j’essaie autre chose

cd0214-350

Demain, j’essaie autre chose
Auteur : Jean-Louis Aisse
Arrangeur : Jean-Didier vander Vorst
Compositeur: Jean-Louis Aisse

Le premier jour, il pousse l’interrupteur,
Il dit: « aujourd’hui j’invente la lumière;
Allez, en place les éclairagistes, moteur!
Bougies, lanternes, guirlandes et réverbères;
Il faut qu’ça brille, allumez projecteurs
Et des feux d’artifice sur toute la terre! »
Mais dans sa boule de cristal
Il voit le feu et les éclairs,
Il voit l’incendie infernal
Que l’Homme déclenche avec la guerre;
Il est déçu, il est morose
Il dit: « demain, j’essaie autre chose »

Le jour d’après, l’eau, le ciel, dans sa mallette;
Je veux du bleu partout, dit l’créateur,
Une piscine avec vue sur la planète
Et puis tiens! J’inventerais bien les couleurs!
Allez les peintres, sortez vos palettes,
Vos pastels sur la voûte, dans les profondeurs!
Mais dans sa boule de cristal
Il voit l’ozone et le mercure,
Le pétrole dégazé des cales
Et les fumées striant l’azur;
Il est déçu, il est morose
Il dit: « demain, j’essaie autre chose! »

Quatre jours plus tard, il a fait la vie;
Les fleurs, quel coup de génie magistral!
Les oisillons bien au chaud dans leur nid,
Cent mille animaux, un vrai festival;
L’imagination au pouvoir, c’est lui!
Qui couronne le tout avec des étoiles!
Mais dans sa boule de cristal
Il voit l’éléphant sans défenses,
Le dernier tigre du Bengale,
L’Amazonie rasée à l’essence;
Il est déçu, il est morose
Il dit: « demain, j’essaie autre chose! »

Le lendemain, c’est justement dimanche;
« Je soufflerais bien un peu, pour une fois;
Ce qu’il me reste de forces, je l’épanche
Dans tous ces artistes que j’aperçois;
Qu’ils aillent maintenant porter ma revanche,
Et semer des grains de beauté pour moi ».
Et dans sa boule de cristal
Il voit Debussy, Picasso,
Les fous de pierre philosophale,
Jacques Brel tout près de Nougaro;

Il dit un merci amical
A Bocuse, à la Veuve Clicquot,
Aux assoiffés de l’idéal,
Almodovar, François Truffaut;

Il rend un hommage capital
Aux découvreurs d’Eldorado,
A Devos, à l’ami Semal,
Aux coquins ciseleurs de mots;

Il fait un salut magistral
A l’Abbé Pierre et à Cousteau,
Aux éternels chasseurs d’étoiles
Qui n’ont jamais le vent dans l’dos;

Il pose sur un piédestal
Les premiers peintres de Lascaux,
Les Théorèmes de Pascal,
La beauté de Quasimodo;

Il s’incline à l’horizontale
Devant Piazzola, le tango;
Il est tout aussi triomphal
Pour Ella, Louis et Django;

Il a une estime totale
Pour Rodin et pour Botero,
Les bâtisseurs du Taj Mahal,
Les architectes de Cuzco…

Plantadis, mardi 28 août 2001.