En dédicace ce lundi à la Licorne !

Bon voilà. J’y serai ce lundi de 18h à 21h, pour dédicacer.
La Licorne est sauvée ! Enfin presque…

La licorne – Chaussée d’Alsemberg 656 – 1180 Bruxelles
www.librairielalicorne.be 

« Il faut sauver la Licorne »

FRÉDÉRIC SOUMOIS
Le Soir, 

BRUXELLES Ecrivains et lecteurs se mobilisent pour garder ce lieu de prédilection pour rencontrer les livres. Le secteur souffre lourdement.

Licorne

Ils avaient pourtant tous les atouts dans leur jeu, Deborah et Daniel, quand ils reprennent, en 2006, la belle librairie à l’enseigne de la Licorne, au 656 de la chaussée d’Alsemberg, au cœur du quartier le plus commerçant d’Uccle, à un jet de pierre de la maison communale, quelques arpents de l’autoroute, et avec une ligne de tram qui s’arrête juste devant la librairie. Elle est amoureuse du livre depuis son enfance, s’est spécialisée dans le livre pour enfants et adolescents. Son expertise est reconnue : auteur de Lisez jeunesse (éd. Luc Pire), un livre de référence sur la question, Deborah multiplie les conférences et les animations dans les écoles, dans des associations. Elle est une des deux libraires francophones qui représentent la Belgique pour donner leur critique dans La grande librairie francophone, tous les dimanches midi sur la Première de la RTBF et présente une chronique sur la littérature ado dans Tout le monde y passe, l’émission culturelle du matin sur la même antenne.

Daniel, lui, a roulé sa bosse durant quarante ans dans le monde de l’édition pour le compte de Gallimard. Peu d’auteurs lui échappent, peu de subtilités du monde du livre lui sont étrangères. Lui qui a parlé livres aux libraires avec passion pendant 40 ans connaît mieux que personne la beauté du métier de « libraire général », un métier qui consiste à faire rencontrer les livres et les lecteurs pour les plus beaux moments de passion commune. Mais ses écueils aussi : le livre évolue très vite ces dernières années, le temps de vie d’une nouveauté a diminué de quelques mois à quelques semaines, les marges se sont érodées, le livre se vend de plus en plus sur le Net.

Mais peu importe : le couple rachète le « fonds » de la librairie (ce qui fait son trésor et sa personnalité), et conserve les six membres du personnel qui font l’âme du lieu, sachant combien la clientèle d’une librairie aime conserver des contacts privilégiés avec « son libraire » et reparler ensuite des émotions vécues lors d’une lecture conseillée. Ils n’hésitent pas face à des transformations importantes : une importante partie de la librairie est désormais consacrée à la littérature jeunesse, histoire que Deborah puisse conseiller des dizaines de jeunes lecteurs face à une véritable caverne d’Ali-Baba. La personnalité des deux libraires attire aussi de nombreux écrivains, qui viennent y présenter leur nouveau livre et répondre aux questions d’un intervieweur et du public : Marc Lévy y était la semaine dernière, mais on a pu y croiser beaucoup d’autres (lire ci-contre). Ces dernières semaines, il y a généralement plus d’une « animation » par semaine. Et il y en a pour tous les goûts : ce soir, mardi 10 juin, Frédérique Van Acker vient présenter Une famille belge au fil du temps (éd. Jourdan), les destins croisés de cinq familles aux 19e et 20e siècles.

Et pourtant, la Licorne met aujourd’hui une patte en terre, essoufflée. Essoufflée par la crise du livre. Ce n’est guère le livre électronique qui menace les « vrais libraires » : la plupart vendent d’ailleurs cette nouvelle manière de consommer du livre avec enthousiasme. Mais plutôt la librairie électronique qui délivre souvent en 2 jours au domicile du lecteur ce qu’un distributeur met parfois 3 à délivrer à la librairie. Et à la grande distribution qui accorde 25 % de réduction sur certains produits d’appel (dictionnaires, poches de l’été) quand la marge moyenne d’un libraire général avoisine les 27 %. « Pour ce prix, on doit payer le loyer, les salaires, l’entretien, le transport des livres, les retours, la manutention, tout », explique Daniel Debroux. D’autant que le libraire accorde généralement 5 % de réduction aux bons clients. Et que les bibliothèques publiques en réclament quatre fois plus pour passer marché.

Résultat : la librairie est en perte depuis trois ans. Des six membres du personnel, il n’en reste que trois. Le fonds a un peu fondu, même si cela ne se remarque pas trop : de toute façon, on obtient n’importe quel livre disponible en quelques jours… et avec le sourire. Mais le sourire est un peu fatigué par les charges qui s’accumulent. A court de trésorerie, la librairie emprunte aux banques à 19 % de quoi acheter les prochains livres. Le tout coûte 12.500 euros par an à la Licorne. Intenable. Mais la bête n’a mis qu’une patte en terre : soixante écrivains et vingt illustrateurs de renom offrent leur « plus beau souvenir de librairie » en souscription pour sauver la Licorne. D’autres projets existent, comme de transformer la mezzanine en café, histoire de permettre au consommateur de petit noir de lire des pages blanches. Et inversement.

Il est temps : les deux libraires ne cachent pas que, sans le soutien de leur clientèle de passionnés et de nouveaux amoureux du livre, la librairie n’aurait plus que quelques mois à vivre. C’est que les libraires généraux souffrent : ces dernières semaines, le Libris du Fort Jaco (lui-même partiellement héritier du défunt Libris gare Centrale) est mort. Une autre librairie à La Hulpe itou. Calligrammes à Wavre est à remettre. Les autres souffrent : parfois, les employés, pour ne pas perdre leur emploi, deviennent les actionnaires de leur librairie. Et survivent de revenus rabotés. Deborah Danblon, la libraire d’Uccle, reconnaît : « Ne l’écrivez pas, mais c’est moi qui ai le plus petit salaire. » 1.500 euros, quand il peut être versé…

La Licorne, c’est vrai, se nourrit de peu (comme tous les animaux féeriques), mais il ne faut pas exagérer.

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