Gilles Verlant : Je me souviens du Rock

Editeur : Actes Sud

Date de parution : 13 mai 1999

Les initiales de la chanson des Beatles, Lucy In The Sky With Diamonds, donnaient LSD ? Faux, John Lennon lui-même expliqua que son fils Julian avait donné ce titre à un dessin qu'il avait fait à l'école. Mais les fans sont des fans. Ils croient à la mythologie du rock, Jimi Hendrix a mis le feu à sa guitare au festival de Monterey pour saboter le concert des Who et Mick Jagger mimait en public une scène sado-maso torride sur Midnight Rambler. Bribes de vie intenses, Je me souviens du rock est bâti à la façon de Georges Pérec, cinq cent huit "Je me souviens" à déguster à sa convenance, à partir des souvenirs personnels d'un spécialiste du rock'n'roll, témoin des délires et des sublimations d'un mouvement de société lancé par Elvis Presley et à ce jour non éteint.

En 1999, les éditions Actes Sud avaient publié un petit bouquin que je m'étais amusé à écrire en l'espace de 10 jours, quelques mois plus tôt. A la manière de Georges Perec (qui avait lui-même piqué l'idée à l'Américain Jo Brainard, auteur du premier "I Remember"), je m'étais creusé la cervelle pour réunir 500 souvenirs instantanés, concernant exclusivement le rock, commençant tous par "Je me souviens".
Le livre est sorti et, globalement, ça a été un flop. J'ai dû en vendre 1200, mais ce n'est pas important. D'abord, parce que j'étais très fier d'être publié par Actes Sud, maison prestigieuse. Ensuite parce que ce genre d'exercice, entre le journalisme et la littérature, ne rencontrait que peu d'échos dans la presse (depuis que des écrivains comme François Bon publient des biographies des Rolling Stones et de Bob Dylan, ça changé), et que dans ce contexte, 1200 exemplaires, c'était déjà pas si mal. Mais surtout, j'étais simplement content de m'être lancé un petit défi, de l'avoir relevé, et de réussir à le publier.
Bref : le livre étant introuvable en librairie depuis un moment (cela dit, vous pouvez toujours le commander sur fnac.com, pour 12,90 €), j'ai décidé d'en mettre en ligne une partie. Bonne lecture.

Le livre

Je suis fan de rock depuis près de trente ans. Avant mon douzième anniversaire, je me contentais d’écouter les Beatles, Gainsbourg et Brassens. Après, j’ai lâché les chiens. Petit à petit : ils ont d’abord été renifler du côté du hard rock naissant, ensuite, plus rien n’a pu arrêter la meute. Nous étions au début des années soixante-dix. En trente ans, j’ai accumulé des informations, certaines vitales et essentielles, d’autres infantiles ou triviales. Chacun de ces cinq cents souvenirs ont cependant une importance égale dans l’éventuelle “culture rock” que j’ai pu me fabriquer au fil des années. C’est pourquoi je me suis amusé à les farfouiller au fin fond de ma mémoire et à les ramasser en usant et abusant de la bonne vieille technique du “Je me souviens” mise au point par Georges Pérec après avoir été expérimentée avec succès par l’Américain Joe Brainard (“I Remember”, Actes Sud). Tout ceci en me fixant trois règles minuscules :
 
- je me suis interdit, sauf absolue nécessité (vérification orthographique, par exemple), de remonter à la source de ces souvenirs autrement dit de consulter les pochettes de disques, les paroles de chansons, les collections de magazines, les encyclopédies du rock et autres biographies de rock stars qui encombrent mes étagères. Des erreurs se sont sans doute glissées dans ces souvenirs et c’est tant mieux, puisqu’elles sont le fruit du filtrage de la mémoire.
 
- j’ai volontairement fait l’impasse sur mes souvenirs professionnels (j’ai été journaliste rock pendant des années, notamment pour la télé) et n’ai retenu que mes souvenirs de fan.
 
- je me suis fixé une limite dans le temps : cinq cents souvenirs divisés par dix jours égale cinquante souvenirs par jour. Ce livre a donc été écrit entre le 10 et le 19 octobre 1998, point barre.

Un seul espoir : que vous y retrouviez vos petits. Vos petites émotions, vos petits frissons, vos petits sourires, vos grandes passions, vos super-héros, leurs super-chansons et leurs bonnes vibrations.

Gilles Verlant

Extraits

1. Je me souviens des petites lunettes rondes en métal que portait John Lennon.

2. Je me souviens que lorsqu’il jouait de la flûte, Ian Anderson, le chanteur et leader chevelu et barbu du groupe anglais Jethro Tull, levait la jambe droite, à demi pliée, en angle droit par rapport à son corps. Pas quand il chantait. Seulement quand il jouait de la flûte.

3. Je me souviens que Chuck Berry avait un jeu de scène que personne n’osait copier : il traversait la scène accroupi, en marchant comme un canard (mouvements de tête compris).

4. Je me souviens que durant les années soixante-dix, David Crosby, le gros morse qui avait fait partie de Crosby, Stills, Nash & Young se faisait arrêter en moyenne toutes les trois semaines pour port d’arme, ou conduite en état d’ivresse ou détention d’une once de cocaïne (ou les trois en même temps). Je trouvais ça terrible qu’on puisse se mettre dans des états pareils (c’était avant que je prenne moi-même de la drogue).

5. Je me souviens que le rock ne se chante pas en français. Hérésie ! C’est en tout cas ce que l’on croyait avant 1975. Puis il y a eu l’album “B.B.H. 75” de Jacques Higelin et, trois ans plus tard, les premiers trente-trois tours de Bijou et de Téléphone. Alors, on a changé d’avis.

6. Je me souviens que Johnny me faisait rire quand j’étais petit. Cette façon de chanter “Nohowèl” pour Noël (comme dans “Noël interdit”) ou “ahamûûr” pour amour. Je me roulais par terre.

7. Je me souviens d’avoir pensé “qu’est-ce que c’est ce pédé” (ou “ce garçon efféminé”, j’étais politiquement correct à quatorze ans) en découvrant en 1972 les premières photos de David Bowie déguisé en Ziggy Stardust. Puis j’ai écouté l’album et j’ai punaisé un poster de Bowie dans ma chambre (entre celui de Lennon et un Tarzan et sa guenon dessinés par Gotlib) et je me suis engueulé avec ma mère quand elle a demandé “qui c’est ce pédé ?”.

8. Je me souviens que le groupe heavy-metal new-yorkais Blue Öyster Cult jouait avec l’imagerie nazie et chantait des morceaux intitulés “Tyranny & Mutation”, “ME 262” (comme dans “Messerschmidt 262”) ou “Subhuman” (comme dans “üntermensch”) alors que leurs deux leaders, Eric Bloom et Donald “Buck Dharma” Roeser étaient juifs.

9. Je me souviens d’un article d’Yves Adrien intitulé “Je chante le rock électrique” et publié par le mensuel “Rock&Folk” en décembre 1972 ; je me souviens de l’avoir lu et relu tous les jours pendant les congés de Noël en me disant “c’est ça le rock’n’roll”. Ca parlait des Yardbirds, des Them, de Ronnie Bird, des Stones, des Stooges. De la rock’n’roll attitude, avant que l’expression soit galvaudée.

10. Je me souviens de mon tout premier concert, les Slade à Forest-National à Bruxelles. Le chanteur (Noddy Holder) avec son haut-de-forme constellé de miroirs. Les platform-boots argentées du guitariste. Les tubes magnifiques : “Mama Weer All Crazee Now” et “Gudbuy T’Jane” (les fautes d’orthographes, c’était fait exprès). Les oreilles qui sifflent pendant quarante-huit heures. C’était le groupe le plus bruyant, à l’époque (1972) : 120 décibels.

11. Je me souviens des deux concerts des Rolling Stones à Forest-National à Bruxelles le 17 octobre 1973. Interdits de séjour en France à cause d’une affaire de came du guitariste Keith Richards, les Stones jouent à 17 heures pour le public français (amené de Paris par train spécial, affrété par R.T.L.), puis à 21 heures pour le public belge.

12. Je me souviens du guitariste hard Ted Nugent (entre amis, nous disions “le Nuge”) qui en plus d’enregistrer des chansons aux titres fendards tels “Wang Dang Sweet Poontang”, “Cat Scratch Fever” ou “Gonzo” occupait ses loisirs en chassant le bison, à l’arc, ce qui lui donnait matière à de chouettes anecdotes lorsqu’il était interviewé.

13. Je me souviens qu’il arrivait à Ozzy Osbourne, l’ex-chanteur de Black Sabbath, de décapiter avec les dents des chauve-souris vivantes lors de ses concerts. John Cale avait aussi, en pleine période punk, décapité une oie, ou une poule (non, ça devait être une oie, une poule aurait été ridicule).

14. Je me souviens de Alice Cooper et de son show grand-guignol, avec un boa constrictor, une guillotine, de l’hémoglobine. Il chantait de bonnes chansons, n’empêche, comme “School’s Out”, “Elected” et “Billion Dollar Babies”.

15. Je me souviens de la pochette de l’album “Trout Mask Replica” de Captain Beefheart et de l’horrible tête de poisson à la gueule ouverte qui remplaçait son visage, qui illustrait finalement assez bien sa musique.

16. Je me souviens de la pochette de l’album “We’re Only In It For The Money” de Frank Zappa et les Mothers Of Invention parodiait celle de “Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band” des Beatles, sorti quelques mois plus tôt. Qu’on puisse se moquer ainsi des Beatles, en insinuant en plus qu’ils “n’étaient là que pour l’argent”, eux aussi, me semblait assez choquant.

17. Je me souviens qu’on dit “album” parce que dans le temps les opéras étaient enregistrés sur plusieurs 78 tours qui étaient vendus dans des pochettes cartonnées et reliées, comme les pages d’un livre.

18. Je me souviens d’un duo rigolo qui s’appelait Barnes & Barnes et qui chantait “Fish Heads” : pendant toute la chanson ils répétaient (en anglais) “têtes de poissons, têtes de poissons, jolies têtes de poissons”...

19. Je me souviens d’avoir rougi quand on m’avait expliqué la signification de la chanson “Cocksucker Blues”, la plus fameuse chanson inédite des Rolling Stones, souvent piratée.

20. Je me souviens de n’avoir pas compris ou plutôt mal interprété pendant des années les paroles de la chanson “I’m Waiting For The Man” de Lou Reed (avec le Velvet Underground) : je pensais que l’histoire du mec qui “attend son homme” avec “26 dollars dans sa main” parlait de prostitution masculine. Jusqu’au jour où une fille m’a expliqué que les 26 dollars représentaient le prix, à l’époque où la chanson avait été enregistrée, d’un gramme d’héroïne. Une fille ! Je rêve.

21. Je me souviens de photos de Lou Reed, dans “Best” et “Rock&Folk”, où il était tellement cadavérique et défoncé qu’il avait le teint carrément vert. On pensait tous qu’il allait mourir. C’était à l’époque de l’abum “Rock’n’roll Animal”.

22. Je me souviens d’un voyage scolaire à Londres et d’une escapade à Abbey Road avec quatre copains. D’abord, il avait fallu se rencarder, vu qu’il y a une demi-douzaine d’Abbey Roads à Londres. Puis il avait fallu trouver le bon carrefour, à vingt mètres des célèbres studios. Enfin, à tour de rôle, nous avions pris des photos. Le plus dur étant de traverser la rue en conservant la bonne distance, pour faire comme les Beatles.

23. Je me souviens que sur la pochette de l’album “Abbey Road” des Beatles, Paul McCartney (le deuxième en partant de la gauche) marchait pieds nus, ce qui avait relancé les rumeurs de sa mort. Une théorie de conspiration prétendait en effet qu’il avait été remplacé par un sosie depuis plus de deux ans : déjà, sur l’une des photos de l’album “Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band” en 1967, Paul tournait le dos. Et si l’on écoutait à l’envers le petit gag sonore gravé dans le sillon à la toute fin de la seconde face de ce même album, on entendait distinctement “Paul Is Dead Arh Arh Arh Arh” (mon pick-up était muni d’un bras automatique qui se soulevait d’office lorsqu’il s’approchait du centre, ce qui fait que je n’avais jamais pu vérifier cette information). Les pieds nus avaient quelque chose à voir avec “Le livre tibétain des morts”. En plus, toujours sur la pochette d’“Abbey Road” on apercevait une coccinelle VW sur la plaque minéralogique de laquelle on lisait “28 IF” : Paul aurait eu 28 ans SI...

24. Je me souviens d’avoir toujours été agacé par les connards qui écrivent Jimmy au lieu de Jimi Hendrix.

25. Je me souviens de l’émission “Poste restante” et de la voix de Jean-Bernard Hebey sur R.T.L.. Une de ses expressions favorites était “Brrrolll”.

26. Je me souviens du guitariste du groupe anglais Stone The Crows qui était mort électrocuté sur scène lors d’un festival en plein air où il pleuvait (à cause de sa guitare électrique).

27. Je me souviens du rictus de Billy Idol, de sa lèvre retroussée pourt jouer au méchant.

28. Je me souviens du physique repoussant et de la voix d’ange de Roy Orbison.

29. Je me souviens des auto-collants “bon pour la danse”.

30. Je me souviens de la série “FoRmidaBle Rhythm & Blues” avec une face rapide et une face lente (tous les morceaux, puisés dans les catalogues Stax et Atlantic, étaient enchaînés : épatant pour les surboums !).

31. Je me souviens d’avoir feuilleté dix ans après leur parution des exemplaires de “Disco-Revue” le premier magazine rock en français et d’avoir trouvé un peu ridicule leur sous-titre : “le lien international des rockers”.

32. Je me souviens de deux stars du rock souffrant de la polio : Ian Dury et Steve Harley du groupe Cockney Rebel.

33. Je me souviens des dents de Freddy Mercury, le chanteur de Queen.

34. Je me souviens que Freddy Mercury avait annoncé qu’il était atteint du sida lors d’une conférence de presse et qu’il était mort deux jours après.

35. Je me souviens de Scaramouche ! Scaramouche ! Will you do the Fandango ? dans la chanson “Bohemian Rhapsody” de Queen.

36. Je me souviens que la chanson préférée de Hamster Jovial dessiné par Gotlib dans Rock&Folk commence par Flamme pure et légère / Monte vers la voûte étoilée...

37. Je me souviens des noms idiots des chanteurs yé-yé : Frank Alamo, Frankie Jordan, Dany Logan, Lucky Blondo,...

38. Je me souviens que pour enregistrer les albums empruntés à mes amis je posais le petit micro de mon lecteur / enregistreur de cassette Philips devant le haut-parleur de mon tourne-disque (pour enregistrer il fallait appuyer sur un petit bouton rouge tout en enfonçant la touche “play”).

39. Je me souviens de danses dont je n’ai jamais connu les pas, vu qu’elles étaient largement passées de mode avant que je sois en âge de danser : le mashed potatoes, le letkiss, le madison, le locomotion, le dog, le bird, le monkey, le jerk, etc.

40. Je me souviens que Mick Jagger fut la première rock-star à faire du jogging pour se tenir en forme, dès le milieu des années soixante-dix, et qu’on trouvait bizarre qu’il fasse du sport.

41. Je me souviens des magasins Music-Action et des imports Givaudan.

42. Je me souviens de Harvest, le label de Pink Floyd, de Vertigo, le label de Black Sabbath, de Swan Song, le label de Led Zeppelin et de Charisma, le label de Genesis (ce dernier avec un dessin du chapelier fou d’”Alice au pays des merveilles”).

43. Je me souviens que le trio Emerson, Lake & Palmer avait enregistré une version rock des “Tableaux d’une exposition” de Moussorgski.

44. Je me souviens que Keith Emerson destroyait son orgue électrique à la fin de chaque concert, en commençant par y planter des coups de couteau. C’était assez pipau, en fait.

45. Je me souviens de la pochette de l’album “Low” de David Bowie où l’on voyait une photo de lui de profil. D’où la signification cachée : low-profile / profil bas. La photo avait été faite durant le tournage du film “The Man Who Fell To Earth”.

46. Je me souviens du livre “Rock Dreams” de l’illustrateur Guy Peellaert, avec les Stones représentés en nazis, entourés de Lolitas, avec Dylan et manteau de fourrure dans une limousine, caressant un petit chat, avec Elvis entouré de ses disciples, comme Jésus lors de la Cène (sur la table : des bouteilles de coca, des cheeseburgers, des bouteilles de Ketchup Heinz).

47. Je me souviens que Tina Turner maniait son micro comme s’il s’agissait d’une bite à laquelle elle était sur le point de faire une pipe quand elle chantait “Honky Tonk Women”.

48. Je me souviens que Keith Moon, le batteur des Who, avait été banni à vie de la chaîne d’hôtels “Holiday Inn” après avoir balancé une limousine dans la piscine de l’un de ces hôtels, durant une tournée américaine (dans cette anecdote, tout faisait rêver : l’Amérique, un hôtel avec piscine, une limousine, Keith Moon).

49. Je me souviens très bien du premier album des Ramones que j’avais écouté pendant tout l’été 1976, en particulier la face A avec “Blitzkrieg Bop”, “Chainsaw”, “Beat On The Brat (With A Baseball Bat)” et “Now I Wanna Sniff Some Glue”. Les chansons n’excédaient que rarement les deux minutes et commençaient presque toutes par un “one-two-three-four” vociféré par Dee Dee Ramone.

50. Je me souviens que Joey Ramone, le chanteur des Ramones, exhibait en concert une pancarte avec leur slogan crétin préféré : GABBA GABBA HEY.

51. Je me souviens que les Osmonds, qui étaient frères et qui avaient été lancés peu de temps après les Jackson 5, étaient blancs, mormons et originaires de Salt Lake City. La seule chanson supportable de leur sirupeux repertoire (sans parler des tubes en solo du plus petit frangin, Little Jimmy, ni de leur soeur Marie Osmond) était un rock frénétique intitulé “Crazy Horses”.

52. Je me souviens d’Elvis The Pelvis, le surnom d’Elvis, que les journalistes lui avaient donné à cause de son jeu de scène et de ses mouvements lascifs du bassin (il m’avait fallu des années pour m’apercevoir que “pelvis” figure dans le dictionnaire ; à douze ans, je pensais que c’était le mot anglais pour “parties génitales”).

53. Je me souviens que le logo des Rolling Stones, les grosses lèvres rouges et la langue tirée, avait été dessiné par Andy Warhol.

54. Je me souviens de la pochette de l’album “Catch A Fire” de Bob Marley qui s’ouvrait comme le capot d’un briquet Zippo.

55. Je me souviens d’avoir commencé une liste de groupes portant le nom d’une ville, d’un état ou d’un pays, comme Boston, Kansas, Chicago, Alabama, (Black Oak) Arkansas, Hatfield (& The North), etc. puis de m’être interrompu, réalisant que l’exercice était finalement assez vain.

56. Je me souviens que l’argument du film “Help !” tournait autour d’une bague portée par Ringo (plus tard, j’avais aussi pigé que “ring” signifie “bague”, en anglais).

57. Je me souviens qu’en France les Beatles étaient surnommés les “Quatre garçons dans le vent”.

58. Je me souviens que les Beatles s’étaient produits à l’Olympia à Paris à la même affiche que Trini Lopez et Sylvie Vartan en janvier 1964. Cette affiche me paraissait complètement incohérente et incompréhensible.

59. Je me souviens de “Awop-bopaloo-bop-alop-bam-boom”, la dernière phrase de “Tutti Frutti” par Little Richard (la première phrase est “Awop-bopaloo-bop-alop-bam-BAM”, ne pas confondre).

60. Je me souviens que Bob Marley s’était blessé lors d’un match de foot amical (contre une équipe de journalistes) à Paris et qu’on avait parlé, bizarrement, d’un cancer du gros orteil (en réalité, suite à sa blessure, qui s’était gangrénée, on avait diagnostiqué un cancer généralisé, dont il était mort quelques mois plus tard).

61. Je me souviens des Quatre Bidochons Dans Le Vent et de leur version parodique de “Come Together” des Beatles sous le titre “Comme tu dégueules” (avec des rots et des borborygmes immondes).

62. Je me souviens de la pochette de l’album “School’s Out” d’Alice Cooper qui représentait un banc d’école dont on soulevait le rabat : en dessous, on découvrait une (vraie) petite culotte de fille.

63. Je me souviens que la pochette d’un des albums de Jefferson Airplane pouvait se transformer en stash, autrement dit en boîte pour ranger la drogue et les accessoires qui vont avec (la pipe à hashisch, la petite cuiller pour la coke, etc.).

64. Je me souviens des “Enfants du rock” à la télévision et des émissions qui en faisaient partie : “Houba-Houba” présenté par Antoine de Caunes et Jacky, “L’Impeccable” présenté par Philippe Manoeuvre et Jean-Pierre Dionnet (bientôt abandonné pour “Sex Machine”) et “Haute Tension”, le magazine des clips vidéo d’avant-garde, comme ceux des Residents, avec les gros yeux coiffés de chapeaux-claques.

65. Je me souviens des maquillages idiots des quatre membres du groupe américain Kiss (surtout le batteur, avec ses moustaches de chat) et qu’ils avaient brutalement cessé de vendre des millions de disques le jour où ils avaient révélé leurs vrais visages.

66. Je me souviens de la pochette de “Sticky Fingers” des Rolling Stones avec le jeans et la vraie braguette. Lorsqu’on la dézippait, on voyait apparaître une banane rose (pour le premier pressage uniquement).

67. Je me souviens de la banane sur la pochette du premier album du Velvet Underground (avec Lou Reed, Nico, Moe Tucker et John Cale).

68. Je me souviens que Andy Warhol devenait gâteux vers la fin : quelques années après avoir signé ces deux pochettes mythiques, il avait réalisé le clip d’un groupe anglais idiot nommé Curiosity Killed The Cat. Il devait être amoureux du chanteur, qui était mignon (et toujours coiffé d’un béret).

69. Je me souviens que “96 Tears” par ? & The Mysterians (on dit aussi Question Mark & The Mysterians) est une des meilleures chansons rock de tous les temps (la version des Stranglers est pas mal aussi).

70. Je me souviens d’une reprise lamentable de “From Me To You” des Beatles par Claude François sous le titre “Des bises de toi pour moi”.

71. Je me souviens d’une reprise plutôt épatante de “Got To Get You Into My Life” des Beatles par Johnny Hallyday sous le titre “Je veux te graver dans ma vie”.

72. Je me souviens de Klaatu (ou Snafu, je ne suis plus très sûr du nom) un groupe pop plutôt sophistiqué qui avait vendu plein de disques au début des années soixante-dix parce que la rumeur avait couru qu’il s’agissait des Beatles reformés sous un autre nom.

73. Je me souviens que le chanteur et guitariste du groupe New-Yorkais Television s’appelait Tom Verlaine (c’était un pseudonyme).

74. Je me souviens de Mike Rimbaud, un chanteur folk-rock New-Yorkais qui avait enregistré des disques à Paris à la fin des années quatre-vingts (c’était son vrai nom).

75. Je me souviens que le groupe de Marc Bolan s’était d’abord appelé Tyrannosaurus Rex puis avait raccourci son nom en T. Rex.

76. Je me souviens que les initiales R.E.M. signifient Rapid Eye Movement, les mouvements oculaires frénétiques que l’on fait en dormant (à leurs concerts, je présume).

77. Je me souviens que le groupe Lynyrd Skynyrd tirait son nom de celui de leur prof de gym quand ils étaient encore au lycée (il devait s’appeler Leonard Skennard ou un truc dans le genre).

77. Je me souviens d’une époque où les 33 tours coûtaient moins de15 frs (et même 13,50 frs si mes souvenirs sont bons).

78. Je me souviens de la vache sur la pochette de l’album “Atom Heart Mother” des Pink Floyd.

79. Je me souviens de “Gini - Pink Floyd - Un goût - Une musique - Venus d’ailleurs”.

80. Je me souviens des favoris monstrueux et des dents écartées de Ray Dorset, le leader de Mungo Jerry (“In The Summertime”). Je me souviens aussi que “Alright Alright Alright”, l’autre tube de Mungo Jerry, était l’adaptation anglaise du “Et moi et moi et moi” de Jacques Dutronc.

81. Je me souviens des pochettes de Yes dessinées par Roger Dean.

82. Je me souviens du triple album “Yessongs” de Yes, que j’ai dû écouter au moins cent fois, en particulier la face avec “Close To the Edge”.

83. Je me souviens du double album “Tales From Topographic Ocean” de Yes et d’un morceau où Jon Anderson chantait en français Nous sommes le soleil.

84. Je me souviens de Miiiicheeeelle ma beeelle / Sont des môws qui vont twès bien ensomble / Twès bien ensomble...

85. Je me souviens que le groupe Electric Light Orchestra fut le premier à utiliser le laser dans son light-show (certains spectateurs - dont je faisais partie - avaient peur d’être brûlés par les rayons verts).

86. Je me souviens que le nom du groupe 10CC (les auteurs du fameux slow-qui-tue “I’m Not In Love”), autrement dit dix centimètres-cube, fait référence à la quantité moyenne de l’éjaculation masculine, soit neuf centimètres-cube, plus un pour faire bonne mesure.

87. Je me souviens de aaaaaaaaaaaaaaaah freak out ! dans l’intro de “Freak Out” de Chic.

88. Je me souviens d’avoir fait l’amour sur l’album “Dark Side Of The Moon” des Pink Floyd.

89. Je me souviens que les Français utilisaient le terme “pop music” alors que nous, en Belgique, on disait “rock” et rien d’autre.

90. Je me souviens que les trois premiers albums solo de Peter Gabriel s’intitulaient “Peter Gabriel”.

91. Je me souviens du kraut-rock (rock choucroute), le rock progressif allemand des années 1972-1974. Le terme poli était “Head mosick” ou un truc dans le genre.

92. Je me souviens de Amon Düül II, de Ash Ra Temple, de Walter Wegmuller, de Guru Guru, de Wallenstein, des débuts de Kraftwerk (fan - fan - fan / on the autobahn).

93. Je me souviens d’avoir vu le dos de Klaus Schulze pendant tout un concert. Il était assis en tailleur, bidouillant ses synthés dont les petites lumières vertes clignotaient, de l’encens brûlait et la moitié du public ronflait.

94. Je me souviens que je peux imiter la voix qui annonce les instruments sur “Tubular Bells” : “grand piano ! glockenspiel ! bass guitar ! double speed guitar ! two slightly distorted guitars ! mandolin ! spanish guitar and introducing acoustic guitar ! ” et comme ça jusqu’à “tubular bells” !

95. Je me souviens du logo sur les disques Virgin, avec les vierges siamoises et le dragon rouge.

96. Je me souviens que le thème de “Tubular Bells” était devenu le générique du film “L’exorciste”.

97. Je me souviens de groupes australiens atroces comme Cold Chisel ou Sherbet.

98. Je me souviens d’avoir fumé des pétards en écoutant “Phaedra” de Tangerine Dream.

99. Je me souviens que Bryan Ferry est un mauvais coup. C’est Jerry Hall qui le racontait en interview. Et une copine groupie qui me l’a confirmé.

100. Je me souviens d’avoir vu les Sex Pistols en août 1976 au 100 Club sur Oxford Street à Londres. Le même jour j’avais acheté l’album “461 Ocean Boulevard” d’Eric Clapton, dont je n’ai ôté le cellophane que cinq ans plus tard.

 
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