Celui qui depuis vingt-cinq
ans se fait appeler Paul Personne est sans doute le gars le plus simple,
cool, modeste, généreux du blues, de la chanson et du rock français. Faut
dire qu'il a (presque) tout vécu. Il s'est pris plein de claques. Il a
aussi collectionné les éloges, les ovations, les critiques dithyrambiques.
Un quart de siècle de carrière, ça vous marque un mec. D'autant qu'avant
ça, il avait déjà vécu plein d'autres vies : encore gamin, par exemple, il
avait été batteur au sein des Douglas, des Mirages ou des Taciturnes, et
je vous parle même pas des Murbeats, alias les Beatles des Mureaux. Quand
ça se passait ? Vers la seconde moitié des années soixante, par là.
L'époque où Paul découvrait le blues grâce à Jimi Hendrix et aux
Bluesbreakers de John Mayall, avec Eric Clapton à la guitare, avant de
remonter aux sources. Un peu plus tard, disons au début des seventies,
quand le rock français n'était encore qu'un concept, une vue de l'esprit,
Paul se lançait dans de folles entreprises et battait dans des groupes
nommés L'Origine ou La Folle Entreprise, justement. Mieux documentées, on
se souvient de ses aventures au sein du Bracos Band et de Backstage, qui
ont laissé des 45 et 33 tours à la postérité, vers 1977/1980 par là :
alors que tout le monde se passionnait pour le punk et la new wave, notre
héros passait cette fois des sticks aux six strings, en jouant à fond la
carte du blues. D'emblée salué comme un virtuose de la guitare électrique,
l'un des meilleurs en France (le meilleur ?), Paul devient Personne en
1981 avec un premier album qui portait son nom. Au-delà de la crédibilité
musicale – irréprochable, et c'était pas gagné (du blues en français, vous
rigolez ?) – au-delà de la qualité de son jeu, en total outsider, Paul
résout, comme s'il s'agissait d'une évidence, un épineux problème, celui
de sa langue natale, avec laquelle il se réconcilie à cette occasion : à
force de triturer les mots, de leur coller à l'os, d'en sucer la moelle,
en jouant la carte de l'élision, il les fait swinguer comme nul autre.
Dans son univers, personne ne rivalise avec Personne. Je dirais même mieux
: depuis 1981, Paul a signé quelques-uns des meilleurs albums blues de ces
vingt-cinq dernières années, toutes catégories confondues et Ricains
compris.
Pour autant, Paul n'est pas seul sur son archipel : reconnu par ses pairs,
on l'invite de toutes parts, il joue les fines lames chez Véronique S.,
Jean-Louis A., Eddy M. ou Johnny H., un rôle qui l'honore mais dont il
n'abuse point. Pas question de devenir le soliste de service : il préfère
se jeter sur les routes et jouer la carte dylanienne du Never Ending Tour,
d'où le double CD live et le DVD à double intro (une acoustique, une
électrique plein pot) qui sortent aujourd'hui, filmés et enregistrés lors
de la gigantesque tournée qui a suivi la sortie des albums "Demain… Il
f'ra beau !" et "Coup d'blues". À l'origine, c'était juste question de
garder un souvenir de cette belle aventure, avec un band impeccable, qui
comprend Jeremy, le fils de Personne, à l'autre 6-cordes. Paul dans son
élément, son bonheur, son sens de la vie, face à son public. Sur scène, il
irradie, dans son regard se lit le rêve de son prochain solo, dans son
sourire éclate le plaisir de jouer, d'être aimé, de communiquer, de créer
un lien entre ses tripes et les oreilles de ceux qu'il émeut et
émerveille.
"Il était une fois la route" fut enregistré lors d'ultimes dates en
janvier 2006, sans autre préméditation, sans imaginer que cela puisse être
publié ; puis l'idée a pointé son nez et s'est imposée : n'est-ce pas là
la plus jolie manière de fêter ce fameux vingt-cinquième anniversaire ?
Mais déjà Personne, l'homme qui n'a jamais fait le moindre compromis
(preuve supplémentaire de sa stature d'OVNI dans le petit monde de la
musique en France) se voit au-delà : Je suis fier et heureux d'avoir gagné
ma liberté, de faire le métier dont j'ai toujours rêvé. Mais je cherche
encore, je débute, je continue à creuser mon sillon. Toujours la quête de
la chanson qui me ressemblera le plus, à laquelle pourront s'identifier
tous ceux qui un jour ont connu le coup de blues mais qui savent que c'est
pas grave, parce que demain le soleil se lèvera. Je ne suis pas au sommet
de ma colline, je gratte, je la gravis à mon rythme, encouragé par ceux
qui m'aiment. Tant qu'ils seront là, à m'entourer, à m'applaudir, je ne
lâcherai pas l'affaire ! Gilles Verlant
Repères discographiques
"Paul Personne" – 1981
Avec Faut qu'ça bouge, Vieux blues, Moi et ma guitare.
"Exclusif" – 1983
Mini-album six titres – avec Comme un étranger, J'veux pas descendre, Ça
va rouler, Solitude Blues.
"Barjoland" – 1984
Mini-album six titres – avec M'laisse pas tout seul (avec moi), J'prends
l'bon côté, La P'tite à côté d'moi, Barjoland.
"24/24" – 1986
Avec J'veux pas attendre, Frankie et Johnny, T'arrêtes pas d'me manquer,
Fais-moi rester avec toi, Trop seule.
"La Chance" – 1989
Avec Bottleneck, Cœur à carreau. Premiers textes Boris Bergman, sur deux
chansons, collaborateur régulier des albums suivants.
"La Route de la chance" (live) – 1990
"Comme à la maison" – 1992
Avec Général Lee, Le Rôle… on l'a d'jà, Lavomatics, Le Bourdon, le
stupéfiant instrumental Salut. Paroles de Bobo Bergman, Jacno, Gérard
Lanvin. Premier disque d'or.
"Rêve sidéral d'un naïf idéal" – 1994
Avec Loco Loco, Courant d'air, Rêve sidéral d'un naïf idéal et pas mal de
textes d'un vieux complice, Christian Dupont. Deuxième disque d'or.
"Instantanés" – 1996
Avec Encore à l'essai, Ça m'va, Miss Terre, Plus loin d'ici. Un texte de
Jean-Louis Aubert, un autre de Richard Bohringer
"Route 97" – 1997
Double live enregistré à l'Olympia les 1er, 2 et 3 avril 1997, juste avant
la destruction / reconstruction de la salle.
"Anthologie 1983 – 1997" – 1999
Long-box 3 CD avec une rondelle d'inédits et de morceaux live.
"Patchwork électrique" – 2000
Avec Aphonie cérébrale, Exit Of Eden, La Beauté du blues. Deux textes
d'Hubert-Félix Thiéfaine
"Demain… Il f'ra beau ! (vol. 01)" et "Coup d'blues (vol. 02)" – 2003
Deux albums parus à six mois d'écart, avec J'me taille, Qu'est-ce qui a
changé, C'est la vie qui m'a fait comme ça, Big Blues, Pas b'soin, Vue
hier soir, Zic, etc.
www.paulpersonne.fr
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