Gilles Verlant présente
Les Miscellanées de la Chanson Française par Bertrand Dicale

Editeur : Fetjaine

Date de parution : mars 2010

Miscellanées
nom fém. plur. recueil d'écrits divers, littéraires ou scientifiques
 
Miscellanées de la Chanson Française
Comment sont nés des classiques comme Ne me quitte pas, Les Feuilles mortes ou Tomber la chemise? Combien de chansons ont été consacrées à Johnny Hallyday? Quel a été le premier album français vendu par téléchargement? Combien de fois a été enregistré Plaisir d’amour? Qui est le vrai héros de Mon légionnaire? Quel est le texte original du Déserteur? Qui a plagié quoi, et quand?
Entre des histoires inconnues sur des chansons célèbres et l'aventure incroyable de chanteurs oubliés, des choses extrêmement sérieuses et des détails rigoureusement inutiles (ce sont parfois les mêmes), des micro-événements aux conséquences capitales et les coulisses secrètes de grandes légendes, ce livre constitue une histoire parallèle de la chanson française, savoureuse et érudite.
 
Extraits :
« Élucubrations » et conséquences (II)
Jamais une chanson n’aura été autant parodiée, imitée, détournée que Les Élucubrations d’Antoine. Très vite, on voit surgir Les Émancipations d’Alphonse par Jean Yanne et Jacques Martin, sur un Extended Play quatre titres qui contient aussi Les Pérégrinations d'Anselme, Les Préoccupations d'Antime et Les Revendications d'Albert. D’autres parodies plus ou moins réussies paraissent dans la foulée. La plus violente s’intitule Les Hallucinations d’Édouard, et est signée de Jean-Michel Rivat, parolier pour France Gall ou Sylvie Vartan, et est produite par Joe Dassin. Antoine y apparait sous le nom de Léon : « Mon ami Léon il est un peu idiot / Il trouve toutes ses blagues dans l’Almanach Vermot / Ça n’est pas qu’il veut s’faire remarquer / Mais parce qu’il trouve ça beau, mais parce que ça lui plaît ». C’est méchant, certes, mais c’est aussi une contrefaçon, puisque les auteurs du pastiche signent eux-mêmes paroles et musique – une énorme erreur. Antoine le beatnik – ou plutôt sa maison de disques – traine donc « Édouard » devant les tribunaux et le disque des Hallucinations est retiré du commerce.
Le record (II)
Qui a écrit le plus de tubes ? Vincent Scotto, Albert Willemetz ou Pierre Delanoë ?
Albert Willemetz a écrit les textes de presque 3000 chansons, principalement pour des opérettes, des revues ou des films – des centaines d’« ouvrages », comme on disait à l’époque, à partir de Phi-Phi, opérette créée le 12 novembre 1918 et qui marque la naissance du nouveau music-hall. Il a donné à la scène et à l’écran un nombre incroyable de tubes qui ont marqué leur époque, et dont bon nombre sont encore dans les mémoires : Cach’ ton piano créé par Dréan et Mon homme créé par Mistinguett en 1920, Dans la vie faut pas s’en faire et Pour bien réussir (dans la chaussure) créés par Maurice Chevalier en 1921. « Momo » sera d’ailleurs un de ses meilleurs clients (C’est Paris !, Là-haut, Ose Anna !, Si vous n’aimez pas ça, Dites-moi M’sieur Chevalier, Valentine, Ah ! si vous connaissiez ma poule, Ce n’est pas la même chose (quand on est deux), Sans avoir l’air d’y toucher, Paris sera toujours Paris, La Symphonie des semelles en bois…), au côté de Dranem (Aime-moi Emma), Bach et Laverne (Dans les magasins), Saint-Granier (Ramona), Georges Milton (C’est pa… pa… c’est parisien, T’en fais pas Bouboule), Fernandel (Félicie aussi)… Albert Willemetz nous a laissé beaucoup d’expressions courantes comme « Est-ce que je te demande / Si ta grand-mère fait du vélo ? » (dans Est-ce que je te demande chanté par Dranem dans la revue Trois jeunes filles nues en 1925) ou l'immortel « Pour éviter les frais / Tout en suivant la mode / Chez moi je prends le frais / Le cul sur la commode » (Sur la commode, chanté par Jeanne Aubert dans la revue V’là l’travail en 1937)…
Choucroute
Choucrouten tango, Annie Cordy, 1962
Je n’aime pas la choucroute, La Petite Lily, 1967
La Choucroute, Chanzan, 1974
Choucroute, pizza, frites, paella, cassoulet, En Voiture Simone, 1991
Choucroute et tajine, ValiumValse, 2005
Paëlla & choucroute, Juan Rozoff, 2006
Delerm-Renaud et retour
Vincent Delerm écoute le premier couplet des Bobos, celui dans lequel Renaud parle de ses chansons. Puis, faussement naïf, il se tourne vers Renaud : « Et ça, ça va sortir dans le commerce ? »
Renaud écoute le premier couplet de Sous les avalanches, le nouveau single de Delerm. A la fin, il regarde son cadet avec un brin de condescendance : « Tu te rends compte qu’à ton âge, j’avais déjà écrit Laisse béton et Dans mon HLM ? »
Des spots comme ceux-ci, on peut en voir quelques autres en 2006 à la télévision et sur internet : Renaud et Vincent Delerm sortent leurs albums Rouge sang et Les Piqûres d’araignée à une semaine d’intervalle et ils assurent des publicités croisées, exercices délicieux de démolition mutuelle. Cette première dans le show business français est d’autant plus remarquable qu’ils appartiennent à des maisons de disques rivales (Virgin-EMI pour Renaud, Tôt ou Tard-Warner pour Delerm). Mais les deux chanteurs se sont beaucoup amusés.
Victoires floues
Rien n’anime les coulisses d’une cérémonie des Victoires de la musique aussi bien que les ambiguïtés des catégories et des intitulés du palmarès. Ainsi, MC Solaar a été couronné comme groupe de l’année en 1992, Robert Charlebois en musiques du monde en 1993, Sinclair en « Révélation du groupe de l’année » en 1995, les albums Clandestino et Proxima Estacion Esperanza de Manu Chao primés en « Musiques traditionnelles et musique du monde » en 1999 et 2002, Agnès Jaoui couronnée à son tour en « Musiques du monde » en 2008...
Mazarinades pornographiques
En 1648, la France entre en guerre civile. La régence du jeune roi Louis XIV, assurée par sa mère Anne d’Autriche et son ministre, le cardinal Mazarin, est longue et lourde. La Fronde commence, qui lance peuple, bourgeoisie et noblesse dans une interminable série de convulsions d’une complexité et d’une violence effarantes. Mais qu’est-ce qu’on chante ! On a conservé des milliers de mazarinades qui commentent (et attisent) les événements au jour le jour. Chaque émeute, chaque bataille, chaque coup d’éclat de l’un ou l’autre camp fournit l’occasion d’une ou de plusieurs chansons, chacune insistant jusqu’à l’obsession sur les turpitudes et méfaits de Mazarin. « Il pille la France / Prenant son butin / Faut avoir vengeance / Contre ce mâtin / Ha ! Traître Mazarin / Au Diable on te donne » ou « Tout chacun parle / Contre toi Jules Mazarin / Meschant déloyal et perfide / Faut que de la France tu vides ». Des dizaines de mazarinades, par ailleurs, ont un contenu ouvertement pornographique. Deux accusations : Mazarin couche avec la régente Anne d’Autriche et – pire encore – le Cardinal a abusé sexuellement du jeune roi Louis XIV. Ce qui donne notamment ce refrain : « Ce qui cause la guerre en France / À ce que dit sa Sainteté / C’est le doigt de son Éminence / Et l’anneau de sa Majesté ».
Seize fois Dalida
Dalida a décroché en 1958 un record que plus personne n’atteindra jamais. En un an, elle place seize chansons dans les vingt premières places des hit parades : Bambino, qui termine sa carrière, et Tu n’as pas très bon caractère, Maman la plus belle du monde, Histoire d’un amour, Oh là là, Buenas Noches Mi Amor, Le Ranch de Maria, Gondolier, Du moment qu’on s’aime, Aïe mon cœur, Les Gitans, Je pars, Dans le bleu du ciel bleu, Come Prima, Tu m’étais destinée et Guitare et tambourin. Tout au long de l’année, elle n’a jamais moins de six chansons classées en même temps dans les hit parades.

 
GILLES VERLANT ECRITS RADIO LIVRES ACTU