EXPOSITION VIRTUELLE « TROP DE TOUT »


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Parcours de l’exposition « JANNIN et NOUS » au Musée de la BD à Bruxelles du 22 septembre 2015 au 7 mars 2016 – Merci à  Jicé De La Royère

 

Intro de tout

Admirateur inconditionnel de Franquin, Gotlib et des Monty Python, le jeune Bruxellois Frédéric Jannin (Uccle, 1956) démarre très tôt sa carrière graphique et médiatique par la réalisation de dessins pour la télévision belge, avant de publier ses premières BD dans un tabloïd de rock. Auteur de la série “Germain et nous” dans le magazine Spirou, il est perçu comme un témoin privilégié de la jeunesse des années 80. C’est dans cette série que sont nés les “Bowling Balls”, groupe rock parodique qui sera suivi de plusieurs projets discographiques dont “Zinno”, qui connaîtra les honneurs du hit-parade. Mais Fred Jannin, c’est aussi les “Snuls”, le “Jeu des Dictionnaires”, “J’aime autant de t’ouvrir les yeux”, “Froud et Stouf” et de nombreuses publicités savoureuses qui en ont fait une voix incontournable dans le paysage audiovisuel belge francophone.

L’ENFANCE / L’ADOLESCENCE

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Peyo son fils

Lecteur assidu du journal de Spirou, Frédéric Jannin, 10 ans, apprend que le fils de Peyo est élève au Collège Saint-Pierre, comme lui. Il s’appelle Thierry Culliford et c’est un grand de sixième primaire, alors que lui n’est qu’en cinquième. Alors, pendant la récré, il vient le trouver : « Regarde, j’ai dessiné un Schtroumpf. Est-ce que tu pourrais le montrer à ton papa et lui demander ce qu’il en pense ? » Thierry, lui, pense surtout à jouer au foot, alors il le repousse gentiment. « Laisse jouer les grands et si tu veux me voir, fais ça un peu discrètement ! » L’année suivante, Thierry passe en 6e latine, ils ne fréquentent plus la même cour de récré. Puis Thierry double son année et Frédéric arrive à son tour en 6e latine. Le 1er septembre, Thierry entre dans sa classe et s’installe à son banc, et qui voit-il arriver ? Frédéric Jannin, le petit emmerdeur fan de son père, et il se dit : « Ça c’est pour ma gueule. » Et en effet, Frédéric l’aperçoit, se dirige aussitôt vers son banc et lui dit : « Je vais m’asseoir à côté de toi ! »

Un robinet à coca

« Doubler ma sixième latine était peut-être un des meilleurs choix que j’aie faits dans mon existence. Si j’avais réussi mes études, je n’aurais peut-être pas rencontré Fred et rien de tout ce qui est vraiment passionnant dans ma vie ne serait arrivé. J’étais tellement émerveillé quand j’ai été chez lui – dans sa chambre il y avait des tas de trucs de magie, des dessins animés, de la musique et tout – que j’ai raconté à ma sœur qu’il y avait même un tuyau à la cuisine qui était raccordé à une bouteille de coca et qu’il y avait un robinet qui pouvait servir du coca dans sa chambre ! » (Thierry Culliford)

Graines de BD

Frédéric dessine tout le temps. Thierry Culliford aussi : il publie déjà de petits dessins dans “Top-Loisirs”, un magazine qui présente des restaurants, des cafés, des boîtes de nuits… Ensemble, ils créent les personnages de “Cam et Râ” et des “Gogo’s”.

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Et quand il accompagne Peyo et Thierry à de grandes réunions de dessinateurs, Frédéric bénéficie des conseils de Franquin qui vient de temps en temps observer ce qu’il fait derrière son épaule et commente ses dessins : « C’est bon, ça ! Bravo ! Continue ! ».

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Publié !

Le dimanche, Fred écoute assidûment “Dimanche-Musique”, l’émission d’humour de la RTBf. Et il dessine “Gertrude et Jaco”, une BD mettant en scène Stéphane Steeman et Jacques Mercier, les animateurs de l’émission. Boum ! La série est publiée dans le magazine du fan-club de “Dimanche-Musique” !

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Puis un jour, en 1973, Fred et sa farde à dessins assistent à une émission de télé, “Tempo”, destinée aux pré-ados. Jacques Careuil, présentateur de l’émission, lui dit : « Puisque tu dessines, pourquoi ne ferais-tu pas les titres des séquences ? » Et comme Jacques Careuil tient une rubrique “jeunesse” dans l’hebdomadaire “Chez Nous”, il demande à Frédéric de lui fournir des illustrations. À 16 ans, Frédéric commence à être rémunéré pour ses dessins.

Rock et synthé

“Tempo” est réalisé par Louis Verlant. Son fils Gilles, féru de rock et de pop music, est le présentateur de l’émission. Un jour, l’invité est Dan Lacksman, un pionnier du synthétiseur en Belgique. Sur ses conseils, Fred se rend à Londres pour faire l’acquisition d’un EMS Synthi AKS .

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« Je me rappelle de la tronche de la script de Tempo quand je lui ai fait entendre une musique et que je lui ai dit : « Vous pouvez l’employer comme musique de fond pour une séquence ou quoi ». Elle, elle trouvait cela horrible ! »

Une pochette pour un conseil

« Comme il était venu me voir dans mon studio, pour me remercier, il m’a envoyé un dessin me représentant devant mes synthés. J’ai trouvé le dessin tellement bien que je lui ai demandé d’en faire une pochette, et c’est devenu la pochette de mon album “The Electronic System – vol. II” » (Dan Lacksman)

Rock et BD

Lecteur de la rubrique “Pop Hot” de Piero Kenroll dans Télémoustique, Fred lui envoie des dessins et du coup, Piero lui propose de dessiner une biographie de Pete Townshend, le leader des Who, en bande dessinée. Elle sera publiée dans les premiers numéros de “More!”, un mensuel de rock lancé par Piero Kenroll et Alain De Kuyssche en 1975, présenté sous la forme d’un tabloïd imitant le “New Musical Express” anglais.

Quand l’histoire de Pete Townshend s’est achevée, il fallut trouver un nouveau sujet pour Fred. JC De la Royère propose alors de faire une série avec un super héros qui viendrait au secours des stars du rock en détresse : Rockman. Ça débutait Avenue Legrand, au siège du journal, où on faisait connaissance avec Bill Billboard, alias le rédacteur en chef de “More!” Bert Bertrand (qui était fan des hit-parades publiés toutes les semaines dans Billboard, le magazine américain du marché du disque). Comme Superman, Bill Billboard enfilait ses habits de super héros dès qu’une star du rock était en danger, et il partait la secourir. Un album sera édité en 1979.

Un futur grand

« J’ai été impressionné par la personnalité de son style, j’ai tout de suite été persuadé qu’il avait le potentiel d’un grand de la BD. Comme en plus il était sympa, enthousiaste et amateur de rock, nous étions faits pour nous entendre. » (Piero Kenroll )

La Revanche de Rockman

« Avec le recul, on s’aperçoit que très vite, on s’est mis à faire des pastiches de Rockman, alors que la série existait à peine. Pas moyen de faire du premier degré ! C’est pour cela que l’unique album de la série est un tome 3, c’était plus logique. » (JC De la Royère)

Germain et nous…

En mars 1977, Fred Jannin et Thierry Culliford créent “Germain et nous” dans Le Trombone Illustré, le supplément indépendant de Spirou, imaginé par Franquin et Delporte en réaction avec l’esprit jugé trop réactionnaire du rédacteur en chef de l’époque. C’est Delporte qui met la machine en route : « Vous deux, là, faites un truc à deux et venez me le proposer ». Fred et Thierry n’ont pas trop envie de faire des histoires d’aventures, mais des gags sur ce qu’ils connaissent vraiment : les copains, les copines, l’école, les concerts, les boums, le milieu des ados en réaction avec leurs parents… Germain est plutôt un observateur, il ne participe pas vraiment à l’action, à l’image de ses créateurs : « On allait à des soirées et on se mettait dans un coin pour regarder. On se donnait des coups de coude : « Celui-là, regarde celui-là, regarde-regarde-regarde ! »

Pourquoi Germain

« J’étais avec Fred et il me demande de lui passer le sel, mais il ne trouve plus le mot et il me dit : « Passe-moi un peu le Germain » !… Alors on a appelé le personnage “Germain” et ça a démarré comme ça. » (Thierry Culliford)

L’anniversaire de Peyo

En 1978, pour les 50 ans de son mari, Nine, la femme de Peyo, voulait offrir un magnétoscope VHS à son mari. Delporte et Jannin ont une idée : « On va faire un faux reportage sur Peyo et lui faire croire que ça passe à la télé ! » Et donc, le jour de la fête, quand tous les invités étaient là, Delporte lance la cassette qui démarrait par une speakerine de la RTBf annonçant un documentaire sur Peyo. Pendant quelques minutes, Peyo a cru que c’était une vraie émission de télé, avec toutes sortes de fantaisies, avec tous ses potes et sa famille, des interviews dans la rue, des interventions de la rédaction de Spirou et surtout l’incroyable chorégraphie tournée dans le jardin de Jannin, avec André et Liliane Franquin, Roba, Tibet, F’murr, Eddy Paape, Mitacq… Au cours de l’émission, une jeune chevalière devait faire un strip-tease en armure. Yvan avait appelé Mitacq pour qu’il dise, une fois qu’elle était complètement nue, que ça a du bon d’avoir la cinquantaine. Mais quand Mitacq a appris qu’il devait poser avec une femme nue, il est parti… et Yvan a appelé Jacques Devos qui dit doctement : « Tu vois Pierre, la vie commence à 50 ans ! »

Arnest Ringard

Après trente numéros, Le Trombone Illustré doit s’arrêter. Franquin et Delporte se font du souci pour Frédéric qui, du coup, perd son boulot. Ils lui inventent alors “Les Démêlés d’Arnest Ringard et d’Augraphie”, une série d’histoires basées sur la guéguerre que se livrent continuellement le dénommé Arnest Ringard et la taupe Augraphie qui saccage son jardin. Franquin propose les solutions graphiques et Delporte fournit les scénarios, truffés de mauvais calembours et de contrepèteries sophistiquées, surtout dans les injures que se lancent les protagonistes.

Quinze ans plus tard, son style ayant évolué, Frédéric redessinera complètement les histoires d’Arnest Ringard, toujours avec la complicité de Franquin, avec qui il échangera de grandes quantités de fax, et de Delporte qui améliorera encore ses contrepets.

Germain continue !

Quand démarre la série “Arnest Ringard“ dans Spirou, c’est Alain De Kuyssche qui succède à Thierry Martens comme rédacteur en chef. Très vite, il dit à Jannin : « Pourquoi tu ne reprendrais pas Germain ? » Donc, en 1978, Germain et Arnest Ringard paraissent simultanément dans Spirou. Par la suite, malgré d’autres changement de rédacteurs en chef, “Germain et nous” a poursuivi sa publication hebdomadaire dans Spirou jusqu’en 1992. En tout, Jannin aura dessiné 652 planches de Germain.

Claire Bretécher

« En novembre 75, j’avais accompagné Gilles Verlant qui partait faire une interview de Claire Bretécher à Paris pour “Tempo”. En voyant son travail, je me suis dit : c’est ça que je veux faire ! » (Fred Jannin)

Les Bowling Balls

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Dans “Germain et nous”, il y a un groupe de rock dont Germain et ses amis sont fans : les Bowling Balls. Alain De Kuyssche, le rédacteur en chef de Spirou, a très vite l’idée de donner corps à ce groupe en vue d’insérer un disque souple dans le journal. Comme Fred et Thierry voient beaucoup Bert Bertrand, le chroniqueur vedette d’En Attendant (qui a succédé à More!) et fils d’Yvan Delporte, ils s’adressent à lui pour créer un faux groupe parodique et écrire une chanson. Ce sera ”God Save The Night Fever”, enregistré au studio de Dan Lacksman dans un style qui fait à la fois référence au punk (“God Save The Queen”) et au disco (“Saturday Night Fever”). Finalement, le disque sort chez EMI et obtient un bon succès d’estime, car il amuse les programmateurs des radios. Il sera suivi de trois autres singles et d’un long playing produits par Marc Moulin. Le groupe de Billy, Averell, Elton et Fernand Ball était devenu une réalité !

BBalls

Le Mot du Président (du fan-club des Bowling Balls)

« Quand on faisait le journal des Bowling Balls, Fred dessinait, maquettait, prenait les photos… et faisait le café pendant que nous brinqueballions quelque part, désœuvrés, devant une vieille cassette des Monty Pythons qu’il nous obligeait à regarder en boucle. Et défense de ne pas rire, sinon on était privés de glace aux fraises chez Zizi. » (Thierry Tinlot)

Didi

En 1978, Alain De Kuyssche et Fredéric Jannin créent Didi, une petite fillette perdue dans un monde de grandes personnes dont on n’aperçoit que les jambes. 55 gags d’une demi page seront publiés dans Spirou jusqu’en 1980. L’année suivante, une boîte d’ordinateurs propose à Fred de faire une BD qui explique comment fonctionnent les ordinateurs. Fred n’y connaît rien du tout, mais ça le passionne. Avec Alain De Kuyssche, il fera trois albums de Didi que Nixdorf offrira à ses clients.

Jannin dessine vite

« Je faisais mon travail en trois minutes et lui en deux. Un dessinateur s’est plaint : il trouvait que ce n’était pas normal que Jannin soit payé la même chose que lui, alors qu’en une demi-journée, il avait fini sa planche ! » (Alain De Kuyssche)

Un nouveau duo pour Germain

Après 77 planches, Thierry Culliford décide d’arrêter d’écrire les scénarios de “Germain et nous.” « J’avais l’impression d’avoir fait le tour du sujet, et puis à ce moment-là mon père a vu que je pouvais faire de la BD et il m’a demandé de travailler pour lui. » Peu après, Sergio Honorez arrive, en même temps que Thierry Tinlot : c’est le noyau dur du fan-club des Bowling Balls. Sergio avait commencé à dessiner son propre personnage dans Tintin, “Aimé-Sylvain”. Le rédacteur en chef de Tintin lui avait dit : « Ce serait bien que tu fasses une série à la manière de Jannin ». Par la suite, il est devenu le co-scénariste de Germain. Puis il a fait les lettrages. Plus tard, avec Laurence Deletaille  (la maman de Léopold et Jules, les deux fils de Fred), ils ont créé une boîte de production vidéo ensemble.

Salut, vieille chaussette !

« Quand je l’ai abordé, j’ai dû lui dire un truc du genre : « Salut, Vieille Chaussette! ». Non qu’il ressemblât à une vieille chaussette, mais pour me donner une contenance. Ce qui s’avéra inutile par la suite, puisque Fred est la gentillesse même. » (Sergio Honorez)

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Qui c’est ce ket ?

« Au départ, les gens me demandaient : « Mais c’est qui ce ket qui te suit tout le temps partout ? » C’est drôle, parce que ça reproduisait un peu ce que j’avais connu avec Thierry Culliford. » (Fred Jannin)

Télex contre Krawicz !

Ami de Marc Moulin, Dan Lacksman et Michel Moers, Frédéric Jannin les met en scène dans Spirou, sur un scénario de De Kuyssche. Mais leur groupe “Télex”, précurseur de la musique électronique minimaliste, arrivera antépénultième au concours “Eurovision de la Chanson” en 1980. On lui doit notamment l’excellent “En route vers de nouvelles aventures” dédié à la bande dessinée.

Lou pescadou no pas fraichou

Un jour, Yvan Delporte a eu envie de faire une émission de radio sur la musique rigolote. Il se confie à Frédéric : « Gotlib adore la musique déconnante, faisons une émission de radio avec lui ! » Six ou sept émissions seront réalisées, enregistrées chez Jannin dans son petit studio. L’émission s’appelait “Lou pescadou no pas fraichou”, une référence aux “Dingodossiers” de Gotlib et Goscinny. Yvan et Gotlib débarquaient avec des vinyles, leurs collections de disques déconnants. Il y avait des guest stars : Franquin a fait “Uulevtourib”, un extraterrestre. Fred enregistrait ses phrases à l’envers… Il y a eu aussi Philip Catherine qui est venu jouer “Jeux interdits”, une mélodie simpliste pour guitaristes débutants !

Parenthèse de bonheur

« Je venais de fonder “Fluide Glacial“ et mes visites chez Fred étaient une parenthèse de bonheur, j’y oubliais le boulot que me donnait Fluide. » (Marcel Gotlib)

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En route pour de nouvelles aventures

En 1978, le très sérieux mensuel (À Suivre) décide d’accueillir “Pendant ce temps à Landerneau”, un cahier humoristique dans le genre du “Trombone illustré”, supervisé par Yvan Delporte. Celui-ci amène dans ses bagages Fred Jannin qui y dessine “Les Amours fugaces de François-Patrice”. De son côté, JC De la Royère décide de lancer un nouveau mensuel de BD. Delporte trouve son titre et Jannin son graphisme : ce sera “AÏE !” dont Fred réalise la première couverture : un zozo qui essaie de clouer une pancarte « nouveau » sur une vitrine qui éclate. Dans le second numéro, Fred et JC vont se fendre d’un récit larmoyant à souhait, où une pauvre chaussette est lâchement abandonnée pendant les vacances. Entre-temps, dans l’hebdo “Spécial”, Fred et Yvan ont installé une série sur l’amour qui sera intitulée “Cœurs” lorsqu’elle sera éditée en album. Et c’est le même duo qui réalise en 1984 l’album “Les Collectionneurs” dans lequel ils s’en prennent lâchement aux collectionneurs compulsifs.

Jimmy Laventure

Jimmy Laventure est un sale gamin qui se prend pour un détective privé. Il a deux acolytes, un peu comme Gil Jourdan. Il y a d’abord Little Tich (petit zizi), un fort gaillard un peu naïf à qui il suffit de promettre une cartache (une grosse bille) pour le mettre à contribution. Et il y a Marcinelle, dite  Marcie , une petite fille très maligne, heureusement qu’elle est là. Jimmy n’hésite jamais à les utiliser pour résoudre ses enquêtes, mais c’est lui seul qui récoltera les lauriers de la gloire. Il est vaniteux, un peu couard et très macho. Bref, un vrai petit salopard. Deux albums de cette série d’aventures très fantaisiste seront édités en 1986 et 1988 chez Dargaud et MC Productions.

Des décors minimalistes

« Moi, je faisais des histoires “aventurières” où il fallait du décor, et c’était la grande difficulté pour Fred qui les réduisait au minimum syndical. À un moment donné, il a dû dessiner un avion, mais c’était un tout petit avion, chez des Pygmées-nains ! » (JC De la Royère)

Les gros nez

En 1970, le jeune Frédéric bénéficiait des conseils de Franquin : « Va te balader en ville et dessine les maisons, les bancs, le mobilier urbain, c’est très amusant à faire ». Mais Paul Cuvelier, ami de son père, lui disait : « Tu veux faire de la BD ? Tu vas devoir faire les mêmes décors, le même réverbère de case en case, c’est super chiant, ne fais pas ça! » Et il recevait aussi les conseils de son père : « Arrête de regarder les gros nez dans Spirou, c’est vulgaire, regarde plutôt Sempé ou Steinberg ». Toute sa vie, Fred sera tiraillé entre ces deux écoles. « Je me sens plus en accord avec moi-même quand je fais des cartoons, alors que même Germain, c’était une sorte de compromis entre le cartoon et la BD. Je ne pouvais pas faire du cartoon dans Spirou, il fallait faire du gros nez, et donc j’étais entre les deux. J’ai toujours été un peu coincé par ça. »

Zinno

En 1985, Dan Lacksman s’équipe d’un “Fairlight”, une machine qui permet d’échantillon-ner les sons, et il fait découvrir le sampling à Jannin. Avec Jean-Pierre Hautier, Fred décide alors d’enregistrer un disque pour le label de Marc Moulin. Le choix se porte sur “What’s Your Name?”, un sample du thème de James Bond (pour “Dr No”), sans se douter que ça allait faire un disque d’or et un smash un peu partout : en Italie, en Scandinavie, en Allemagne, en France… Après, il y a eu d’autres disques, notamment “Blackaya”, qui a reçu un MTV-Award pour son clip, mais aucun n’a marché aussi bien que “What’s Your Name ?”

 

Les Snuls

En 1989, chargé par Canal + Belgique de réunir de jeunes rigolards pour des émissions d’humour typiquement belges, le publicitaire Stefan Liberski s’associe avec Kris Debusscher et Nico Fransolet du groupe “Allez Allez”, Frédéric Jannin et Sergio Honorez, Laurence Bibot… « Au bout de la première saison, on a voulu faire une espèce de fancy-fair au Botanique. On croyait qu’il allait y avoir douze personnes. Mais la salle était remplie, avec des gens qui portaient des tiares du mérite sur la tête et des chicons magiques autour du cou et qui répétaient des phrases que nous-mêmes on ne connaissait pas, parce qu’on n’avait pas le temps de retenir les phrases idiotes qu’on mettait dans les sketches. C’est là qu’on s’est rendu compte qu’il y avait vraiment des gens qui aimaient bien, et que finalement, on avait raison de partager ces trucs. »

Miss Bricola à poil !

« Jusque-là, je ne m’étais pas rendue compte du monstre comique qu’on avait créé. J’avoue que d’entendre très fort « MISS BRICOLA À POIL » hurlé une bonne centaine de fois au Bota m’a convaincue de l’intérêt de tourner en studio, entre nous. » (Laurence Bibot)

Les faux castings

« Je me rappelle quand on a inventé le principe des speakerines. On était à la terrasse du Falstaff, et dans notre cerveau malade est né ce dispositif machiavélique qui consistait à organiser un faux casting pour une émission de télé régionale. Ce qui n’a pas cessé de nous faire rire pendant quatre ans et même au-delà. » (Sergio Honorez)

Une prise suffit

« Des Snuls jusqu’à notre duo dans les spots Devos-Lemmens, tout me fait rire chez Fred. Pas besoin de répéter les sketches, tout coule de source et une prise suffit. » (Kris Debusscher)

J’aime autant de t’ouvrir les yeux

Après les Snuls, Jannin et Liberski vont créer “JAADTOLY” (J’Aime Autant De T’Ouvrir Les Yeux) qui est presque exactement à l’opposé, c’est-à-dire qu’il n’y a pas une grande équipe, pas d’éclairages, pas de maquillage, pas de costumes : il y a juste Stef et Fred (parfois avec Bouli Lanners et Laurence Bibot) et la caméra, une petite caméra VHS. « C’était totalement minimaliste. Et c’était très excitant de faire ça après quatre ans de Snuls, d’arriver à ce que ce soit drôle sans qu’on doive mettre des couches et des couches de collage. Parfois, dans les Snuls, on “cachait la misère” en ajoutant des titres et des trucs et des machins. JAADTOLY, c’était de l’art brut. »

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L’accent belge

« L’accent belge (mettons pour aller vite qu’il résume un mode, des manières, des rites, un code gestuel, une méfiance instinctive et une innocence brutale), est un accès direct à l’Homme, à sa vérité pathétique et à ses tentatives émouvantes et maladroites de donner le change. » (Stefan Liberski)

Allô c’est moi ?

John Goossens, patron de Belgacom, trouvait l’actualité tellement triste et morose qu’il s’est dit qu’il fallait un peu faire rire les gens. Il contacte alors Jannin et Liberski et leur commande des petits sketches en radio qui seront diffusés entre autres dans l’émission du matin de Marc Ysaye. Un jour, le roi Albert II a tapé sur l’épaule de John Goossens en lui disant : « Vous me faites bien rire tous les matins avec vos deux zots ! » Fred et Stef étaient devenus Fournisseurs de la Cour !

Le Jeu des Dictionnaires / La Semaine infernale

En 2003, l’intégrale de “Germain et nous” sort au Lombard. Pour en faire la promo, Fred Jannin est invité au “Jeu des dictionnaires” et à “La Semaine infernale”, des émissions radio de la RTBf conduites par Jacques Mercier, avec des humoristes belges renommés comme Philippe Geluck, Jean-Luc Fonck, Pierre Kroll, Juan d’Outremont, Bruno Coppens, Eric De Staercke, Gilles Dal, Raoul Reyers… Philippe Gouders, qui fut le réalisateur des Snuls à la radio, lui propose de faire partie de l‘équipe. « Moi ? Écrire des textes et venir les lire devant un public et avec tous les autres autour ? Je n’y arriverai jamais ! » Mais Philippe Gouders — alias Raoul Reyers, son pseudo inventé par les Snuls — tient bon, et Fred Jannin amènera dans “Le Jeu des Dictionnaires” et “La Semaine infernale” de nombreuses séquences préenregistrées hilarantes et sa collection de 45 tours involontairement drôles.

Fred aime de rire

« Ce qui me fait le plus rire chez Fred, c’est sans doute l’intelligence de son humour. Cette malice, ce second degré, cette lueur dans ce monde de bêtise, qui soudain l’éclaire ! » (Jacques Mercier)

LA BD À L’ORDINATEUR

Plus vite !

En 1993, Daniel Goossens, dessinateur vedette de Fluide Glacial, était venu chez Jannin pour programmer avec Yvan Delporte un truc tout à fait fou sur son premier ordinateur : des objets géométriques en 3D ! Révolutionnaire pour l’époque ! Et puis, des programmes de dessin sont apparus, puis des tablettes graphiques. Petit à petit, l’idée de colorier par ordinateur s’est imposée. Puis, il y a eu une petite boîte qui faisait des polices de caractères : on envoyait son lettrage et ils en faisaient une police personnalisée. Pour Fred, c’était formidable : comme il est gaucher, il lettrait tout à l’envers pour que sa main ne viennent pas étaler l’encre fraîche. À partir du troisième album de “Petit Jules et Pépé Jules”, tous les albums de Jannin seront entièrement dessinés à l’ordinateur : “Froud et Stouf”, “Que du bonheur !” et l’ensemble des albums scénarisés par Gilles Dal. Du coup, Fred Jannin, le dessinateur le plus rapide de l’ouest, peut dessiner encore plus vite que son ombre !

Petit Jules et Pépé Jules

Fred Jannin est papa d’un petit Jules, Stefan Liberski a un petit Casimir. Ils se rendent compte que le soir, ils font la même chose : plutôt que lire un livre à leur enfant, ils inventent des récits où ils mixent un peu Blanche-Neige ou d’autres contes de fées avec des histoires qui leur passent par la tête. D’où l’idée d’un pépé qui raconte des histoires à son petit-fils, et comme il est un peu vieux, il mélange tout. Trois albums sont parus chez Casterman entre 1996 et 1998.

Froud et Stouf

En 1995, grâce à l’ordinateur, il est possible de créer un petit dessin animé minimaliste et de le mettre sur antenne. Pour la troisième saison de “J’aime Autant De T’Ouvrir Les Yeux”, Fred et Stef déclinent leurs deux personnages en chiens bleus désabusés. Ils ont un rôle d’intermédiaires entre la télé et le téléspectateur : les deux chiens, qui viennent de voir ce que le téléspectateur a vu, y vont de leurs commentaires belgo-belges. C’est Casterman qui proposera à Jannin et Liberski d’adapter “Froud et Stouf” en bande dessinée, mais finalement, c’est chez Luc Pire que les albums sortiront. Et – cerise sur le gâteau – une fresque murale qui leur est consacrée vient d’être inaugurée à Bruxelles, au coin du Boulevard Lemonnier et de la rue Philippe de Champagne.

Que du bonheur !

Que sont devenus Germain et ses amis, après vingt ans de silence ? La plupart d’entre eux se sont mis en ménage, ont fait des enfants, puis, comme un couple sur trois, ils se sont séparés. Et se sont retrouvés confrontés à des problèmes d’entente entre conjoints, d’enfants à éduquer, du quotidien à assumer… Sur des scénarios élaborés avec Catheline, la maman de sa petite Lucie, Fred Jannin met en scène les aléas de la vie quotidienne des familles recomposées.

L’air du temps

Séduit par l’humour et la créativité de Gilles Dal au “Jeu des Dictionnaires” et à la “Semaine Infernale”, Jannin va désormais faire équipe avec lui pour élaborer des albums sur l’air du temps : “Malaise vagal” (Fluide Glacial, 2008) sur les angoisses existentielles de la vie, “Problèmes de connexion” (Fluide Glacial, 2009) sur les nouveaux moyens de communication, “300 millions d’amis” (Dupuis, 2009) sur le phénomène Facebook, “toi+moi.org” (Dupuis, 2010) sur la recherche de l’âme sœur via internet. Fred Jannin, qui a toujours été à l’avant-garde de la technologie électronique, a trouvé dans les nouveaux outils de communication une source inépuisable pour ses réflexions amusées.

Des soi-disant bêtises

« Fred prétend toujours que j’apporte le fond et que lui rajoute ci et là quelques bêtises pour détendre l’atmosphère, mais il n’en est rien : derrière ses soi-disant bêtises, il y a toujours des considérations du plus grand intérêt… » (Gilles Dal)

Comment devenir Belge

C’est nouveau, ça vient de sortir : le nouvel opus de Fred Jannin et de Gilles Dal fait le buzz. En effet, qu’est-ce qui attire tant nos voisins en Belgique, si ce n’est notre humour bon enfant, notre convivialité légendaire, nos gaufres et nos moules et frites ? Notre fiscalité bienveillante ? Pas pour les Belges en tout cas !

Les couleurs de Franquin

Tout a démarré quand Sergio Honorez, devenu directeur éditorial chez Dupuis, a voulu ressortir les albums de Gaston avec les belles couvertures d’origine. Sous l’impulsion d’Isabelle, la fille de Franquin, Fred Jannin s’est occupé de restaurer au mieux les couleurs des couvertures, puis de toutes les planches. Dans le meilleur des cas, Fred repartait des originaux pour avoir un meilleur rendu du trait ô combien bouillonnant de Franquin. Et c’est grâce à l’ordinateur qu’il a pu, en en peu plus de quatre ans, restaurer tout Gaston.

Pour l’humanité

« J’ai l’impression de faire quelque chose d’utile pour l’humanité et ça me connecte à mes maîtres ! J’ai l’impression de bosser avec Franquin et Delporte derrière mon épaule. » (Fred Jannin)